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Une visite automnale dans la réserve naturelle du Pré du Duc à Perwez

 

 

La Réserve naturelle du Pré du Duc constitue une halte migratoire, voire une zone de reproduction, pour de nombreux oiseaux. Elle est gérée par Natagora depuis un peu plus d’un an, après que la commune ait accepté de lui louer le site dans le cadre d’un bail emphytéotique. Ce havre de paix est situé à Perwez près du hameau du Ponceau. Il longe une petite rivière, le Thorembais. D’une superficie d’environ 3 ha, il comprend un bois au nord et une zone ouverte au sud.

 

 

Un chemin donnant accès aux champs traverse la réserve. Bordé de saules majestueux, il marque une séparation entre les parties nord et sud.

 

Côté sud, de grosses branches de saule ont dû être coupées afin de laisser passer les machines agricoles.

Côté nord, la présence d’un fourré de renouées du Japon est malheureusement à déplorer, probablement amenées par des dépôts sauvages de remblais. La renouée du Japon est une espèce envahissante qui n’a pas de prédateur dans nos régions et qui est très difficile à contrôler. Seules de rares espèces d’insectes indigènes peuvent coloniser ces plantes.

 

Les grands saules présents pourraient avoir environ de 50 ans. Les saules sont parmi les premiers arbres à coloniser les zones humides ouvertes. Cette colonisation conduit au reboisement en cas de non-intervention par fauchage ou pâturage. Le saule est très biogène, on peut y trouver jusqu’à 700 espèces différentes : mousses, champignons, insectes, oiseaux, … dans ses différentes parties : feuillage, fleurs, bois, écorce, racines, …. En son centre, le mycélium digère le bois mort et sert ensuite de nourriture aux chenilles et aux insectes adultes. Au printemps, les fleurs du saule sont butinées par les abeilles, les bourdons, …. Les insectes sont vite repérés par les oiseaux qui s’en régalent. Les cavités dégagées dans le tronc peuvent accueillir des rapaces nocturnes. Parmi les hôtes habituels du saule on peut citer l’aromie musquée, le cossus cossus, le capricorne des saules, le sphinx du peuplier, le pic, le hibou moyen duc, la chouette chevêche … Par exemple, la chenille du cossus cossus se développe sur plusieurs années pour atteindre 10 cm de long avant de devenir papillon. Le cossus cossu est le plus grand papillon de nuit de Belgique avec une envergure de 10-12 cm.

Aromie musquée et larve de cossus cossus (photos prises en dehors de la réserve)

 

La partie boisée est gérée en réserve intégrale, c-à-d, laissée à l’état naturel. Les bois morts sont maintenus sur place car ils servent de refuge et de nourriture pour un grand nombre d’espèces. Des saules se dressent le long du Thorembais tandis que, dans la zone plus sèche, s’entremêlent des noisetiers, des pruneliers, des aubépines, des sureaux,….

Les aubépines et les pruneliers portent des baies dont se nourrissent de nombreux oiseaux en automne et en hiver. Dans les pruneliers, le pie-grièche écorcheur peut établir son garde-manger en empalant ses proies sur les épines. Des oreilles de Judas peuvent se développer sur les vieux sureaux. Ces champignons comestibles inféodés au sureau sont cultivés sur broyat de sureau en Asie.

La partie ouverte est morcelée telle un puzzle en plusieurs zones soit caractéristiques des milieux humides (mégaphorbaie, magnocaricaie, phragmitaie ou roselière), soit caractéristiques des prairies (prairie mésophile, prairie envahie d’orties). S’y dresse aussi une modeste aulnaie formant un tampon entre la prairie d’orties et la roselière. L’extrémité sud de la réserve jouxte un bois privé planté de peupliers.

Les aulnes poussent dans des zones humides et pauvres et enrichissent les sols. En effet, les racines de l’aulne sont colonisées par des bactéries qui fixent l’azote de l’air et produisent de l’azote organique. En échange, l’arbre fournit des sucres à ces bactéries véritables usines à engrais. De plus l’aulne perd ses feuilles encore vertes, enrichissant encore le sol en azote. Le sol enrichi pourra alors être colonisé par des plantes plus exigeantes. Quant à son aspect, la légende dit que l’aulne voulant devenir sapin, il pleura tant que dieu lui accorda la forme et les fruits tels ceux du sapin ! Outre sa forme conique, l’aulne porte de petites « pommes de pin ». Les chatons femelles donnent des fruits qui ressemblent à de petites pommes de pin qui peuvent persister 2 ans sur l’arbre. Les chatons se forment en été pour s’ouvrir au début du printemps suivant. A l’automne, on peut donc observer 3 générations de chatons sur l’arbre : ceux de l’année en cours, les cônes de l’année précédente, et les chatons de l’année suivante.

 

Les orties sont emblématiques des milieux riches en nitrates. En effet, la zone envahie d’orties se situe en contre-bas d’un champs, de plus, elle est parfois inondée par le Thorembais. Ce ruisseau est malheureusement enrichi par les eaux qui dévalent des champs qui le bordent. Néanmoins, les orties présentent aussi un intérêt biologique car elles servent d’habitat notamment pour des papillons dont certains leur sont inféodés.

 

La mégaphorbaie (avant-plan), la magnocaricaie (carex en avant-plan des peupliers), la pharmitaie (ou roselière à gauche) et la prairie mésophile (à droite) se partagent un ha très riche !

 

La mégaphorbaie se caractérise par la présence de nombreuses plantes fleuries dont l’emblématique reine des prés (qui n’a pas encore fait son apparition dans cette réserve) et peu de graminées. Les autres plantes qui colorent la mégaphorbaie au printemps et en été sont l’épilobe, la berce, l’angélique, le cirse des marais, …

Cirse des marais et berce, version automne

 

Dans la magnocariçaie, l’espèce phare est le carex ou laiche. C’est une plante herbacée dont la tige est triangulaire. La vie microbienne est riche aux pieds des carex qui sont des plantes « nettoyeuses ». Ces plantes vivent dans des zones marécageuses non inondées. Les carex laissent peu de place aux autres plantes, mais les cirses des marais ont réussi ici à s’y implanter.

 

La magnocariçaie pourrait servir de zone de reproduction pour le chevreuil qui nous a rendu visite, ici au-devant des roseaux.

 

La roselière ou phragmitaie est composée majoritairement de roseaux. Ceux-ci forment de véritables réseaux sous-terrains. Les roseaux doivent connaitre des périodes d’assèchement ou une partie des roseaux doivent se trouver en zone sèche. Des espèces d’oiseaux sont très caractéristiques des roselières comme le bruant des roseaux. Néanmoins, les surfaces doivent être grandes pour accueillir ces oiseaux et permettre leur nidification. Celles de Perwez sont encore trop exigües.

Au bout de la réserve, à l’écart du ruisseau, s’étend une prairie mésophile, c-à-d. de milieu pauvre et sec, mais elle est dégradée puisque l’on y trouve aussi des orties. En outre, s’y trouvent des gaillets, des berces, des rumex, des lamiers …

C’est dans cette partie que des marres vont être creusées. Elle a été préférée aux zones plus humides où les marres seraient très rapidement colonisées pour les roseaux et autres plantes aquaphiles. Les marres seront alimentées par la nappe phréatique et les pluies.

Un projet de haie lui est associé. Cette haie créera un corridor boisé pour les chauves-souris, afin qu’elles circulent entre la partie boisée du nord de la réserve et le bois situé au sud.

Les essences prévues pour cette haie incluent : aubépines (Crataegus monogyna), cornouiller sanguin (Cornus sanguinea), viorne aubier (Viburnumopalus), noisetier (Corylusavellana), sureau noir (Sambucusnigra), sorbier des oiseleurs (Sorbusaucuparia),néflier commun (Mespilusgermanica) ....

Vue depuis le sud de la réserve, dos aux peupliers.

Dans ce bois privé situé au sud de la réserve, les peupliers ont remplacé les aulnes. Les peupliers assèchent les sols et sont plus facilement exploitables pour le bois.

Pour en savoir plus …

En Wallonie, les mégaphorbiaies se développent toujours dans des zones humides, généralement le long des cours d’eau, dans des zones marécageuses ou dans des plaines régulièrement inondées (remontée de la nappe phréatique, inondation par un cours d’eau).

Elles résultent souvent de l’abandon de pratiques agropastorales ancestrales comme le pâturage et le fauchage. Avec le temps, les prairies humides, jadis fauchées et/ou pâturées, se transforment en mégaphorbiaies.

La mégaphorbiaie typique est dominée par une plante vivace de la famille des Rosacées, la reine-des-prés (Filipendulaulmaria). Elle fleurit en été de juin à septembre. A ses côtés, le populage des marais (Caltha palustris) fleurit au printemps (avril-mai) dans les zones marécageuses. En été, les épilobes colorent la mégaphorbiaie en rose, avec l’épilobe hirsute (Epilobiumhirsutum) et l’épilobe en épi (Epilobiumangustifolium). La lysimaque vulgaire (Lysimachia vulgaris), elle, colore la mégaphorbiaie en jaune. Le cirse des marais (Cirsium palustre), également appelé bâton-du-diable, peut dépasser les deux mètres de haut. Il est très épineux et porte des fleurs mauves. De nombreuses autres plantes fleurissent aussi la megaphorbaie : l’angélique des bois (Angelica sylvestris), la valériane officinale à rejets (Valeriana repens), le cirse maraîcher (Cirsium oleraceum), , l’iris jaune (Iris pseudacorus)…

La baldingère (Phalaris arundinacea) est une graminée rencontrée dans les mégaphorbiaies. Le scirpe des bois (Scirpussylvaticus) est reconnaissable à sa tige triangulaire et prospère dans les milieux marécageux.

Des espèces nitrophiles comme l’ortie (Urticadioica), le liseron des haies (Calystegiasepium) et le gaillet gratteron (Galium aparine) peuvent devenir des espèces envahissantes.

(http://reseaunature.natagora.be/fileadmin/Reseau_nature/Fiche_de_gestion/Prairies_humides_abandonnees_ou_Megaphorbiaies.pdf)

 

 

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